top of page

LA PART SAUVAGE de Marc Weitzmann - Éditions Grasset

  • Béatrice Arvet
  • 15 nov.
  • 3 min de lecture

Philip Roth aurait-il sa place actuellement dans le paysage littéraire ? Pas sûr, si l'on compare l’Amérique qui l’a encensé et celle d’aujourd’hui. Marc Weitzmann revient sur vingt ans d’amitié avec l’écrivain en radioscopant les changements d’un pays sous influence « trumpiste ». Une analyse brillante de ce que représentait la littérature hier et maintenant.

 

ree

Aucun amateur de Philip Roth (1933-2018) ne peut nier avoir été en partie modelé par ses livres. Marc Weitzmann l’a rencontré comme intervieweur pour les Inrockuptibles à la fin du siècle dernier, avant de devenir un intime du grand homme qui partageait son temps entre sa maison de Warren (Connecticut) et New-York. Le premier manuscrit que celui-ci lui a donné à relire, un signe de confiance de la part de cet être solitaire, était le « Complot contre l'Amérique » sorti en 2004, une uchronie imaginant l'élection à la présidence américaine en 1940 de Charles Lindbergh, antisémite notoire et sympathisant nazi. Perçu en France comme le fruit d'une imagination débordante, ce thème résonne étrangement à l'ère Trump.

La littérature de Philip Roth appartient à une définition – « une langue vigoureuse et directe, produit du rationalisme, de l'individu autonome et d'une pensée sans peur (G. Orwell, 1984) » - qui semble en passe d'être caduque, aux Etats-Unis du moins.  Pour autant, elle n'a jamais été aussi indispensable pour comprendre une Amérique façonnée, entre autres, par les réseaux sociaux, la culture de l'immédiateté et de « la rage », l'émergence d'un wokisme militant liberticide et un individualisme furieux tourné vers le buzz.


VINGT ANS D'AMITIÉ


Marc Weitzmann raconte son Philip Roth, celui des longues discussions au Russian Samovar, qui doutait de la montée de l'antisémitisme et de la violence en Europe jusqu'aux attentats, mais dont toute l'œuvre est centrée sur la « fragilité de l'intégration ». Il donne des clés nouvelles pour relire ses romans à la lumière des épisodes intimes de sa vie, le rendant tour à tour fragile, indompté, séducteur, amoureux, solitaire et surtout libre. Il décrypte l’homme intégré dans un pays aux idéaux « généreux, libérateurs, solidaires et domestiqués » et l’écrivain laissant libre cours à sa « part la moins assimilée, la moins obéissante, (…) la plus sauvage » dans ses romans.

L’auteur de « Hate » réussit bien à montrer les multiples facettes de cet écrivain génial, capable de déceler « les limites et les ambiguïtés des êtres », ayant si bien vu dans ses œuvres l’avènement de la sociopathie, de l’inculture, du remplacement de la littérature par un langage limité et cette fameuse ère de post-vérité qui sème le doute sur tout. Car c'est bien un combat pour la vérité qu'il s'agit actuellement de mener, où l'imagination et le style reprendraient leur place dans la fiction et non plus dans une réalité, plus soumise aux émotions et aux convictions qu'aux faits.

 

                                                                                                                      Béatrice Arvet

 

 

REPÈRES

 

Né en 1959, Marc Weitzmann est journaliste et écrivain. Il alterne fiction et essais. Il a été rédacteur en chef de la rubrique littéraire, puis chroniqueur pour Les Inrockuptibles de 1995 à 2005. Naviguant entre Paris et New-York, il collabore au Monde, au Magazine Littéraire et au magazine américain Tablet. " Un temps pour haïr " est né de ses chroniques pour Tablet.

 

DERNIERS OUVRAGES PARUS


Un temps pour haïr – Grasset, 2018

Une matière inflammable – Stock, 2013

Quand j'étais normal – Grasset, 2010

 

À NOTER : la sortie dans La Pléiade de 4 romans de Philip Roth (Opération Shylock - Le Théâtre de Sabbath - Le complot contre l'Amérique - Exit le fantôme) parus entre 1993 et 2007. « La trilogie américaine » fera l’objet d’un volume séparé.

 

 

 
 
 

Commentaires


bottom of page