LA LANGUE DE L’ENNEMI de Garance Meillon - L’Arpenteur
- Béatrice Arvet
- 18 nov. 2023
- 2 min de lecture
Dire « passe une belle nuit » au lieu de « bonne nuit » peut-il tuer l’amour ? Garance Meillon saisit les éléments de langage qui envahissent notre vie privée et démontre comment elle l’appauvrit. Un joli roman sur la parole, le désir et la banalisation du rapport à l’autre.

Ils se sont connus dix ans plus tôt, lui étudiant aux Beaux-Arts, elle en lettres. Son premier roman a été publié très rapidement, mais depuis la naissance de leur fille, Emma n’arrive plus à écrire, trop occupée par la gestion du foyer. Romain, de son côté, a abandonné la peinture et œuvre dans "la com" où l'on vient de lui confier un budget chronophage. Quand il commence à utiliser à la maison, des expressions du travail, elle, pour qui les mots sont vivants et par leur sens, agissent sur les sens, se sent trahie. Elle se met à scruter chaque attitude, chaque phrase, convaincue qu’elle le perd. Naïvement, elle aimerait qu’ils soient restés fidèles aux promesses des débuts, celles que l’on tenait et qui avaient l’intensité de leur passion. Sa tentative, maladroite, pour récupérer son mari, devenu un « communicant », va l’embarquer dans l’inspection cruelle de chacun de leurs renoncements.
On le sait depuis longtemps, les mots peuvent sauver ou tuer. Garance Meillon introduit « la langue de l’ennemi » dans le couple et observe les dégâts d’un discours formaté sur l’amour. Si la fin déçoit un peu, de cet effacement de l’authenticité, elle fait un roman de résistance, moderne, particulièrement juste pour ceux qui croient à la noblesse du verbe et sont affligés par sont dévoiement.
Béatrice Arvet
Article paru dans l'hebdo La Semaine du 22 juin 2023
REPÈRES
Née en 1989, Garance Meillon est auteure, scénariste et réalisatrice. Elle a publié « Les corps insolubles » en 2021. (Gallimard)
Chère Béa,
Encore une chronique superbement écrite. Ces 2 minutes de lecture hebdomadaire sont pour moi un délice pour lequel je prends le temps de me poser pour le déguster.