CALEDONIAN ROAD d'Andrew O’Hagan - Éditions Métailié
- Béatrice Arvet
- 1 nov.
- 2 min de lecture
En 4 saisons et 647 pages, Andrew O’Hagan scelle le sort d’un éminent professeur d’art en pleine crise de la cinquantaine. Un roman ample, à l’humour sadique, qui sillonne la capitale anglaise et brosse un tableau tragicomique de la mosaïque londonienne, où, entre débrouille et corruption, pauvres et riches ne s’acoquinent pas toujours pour le meilleur.

En mai 2021, Campbell Flynn, 52 ans, est au sommet de sa carrière. Sa biographie de Vermeer a obtenu un énorme succès, ses élèves le vénèrent, il est sollicité lors de nombreux événements médiatiques. Marié à une cousine de la famille royale, il navigue dans les sphères du pouvoir, particulièrement fier de sa réussite et d’avoir détourné la voie fléchée que lui réservait sa naissance à Glasgow dans une famille modeste. Les ennuis commencent avec ce livre de développement personnel, publié sous pseudo, censé lui rapporter un argent dont il ne cesse d’avoir besoin. Le second grain de sable s’appelle Milo, un étudiant brillant, né d’une mère éthiopienne et d’un père irlandais, qui l’oblige à se questionner sur la société dans laquelle il évolue et le renvoie à une part reniée de son histoire.
CALÉIDOSCOPE LONDONIEN
Autour de ces deux londoniens, habitant chacun d’un côté opposé de Caledonian road, Andrew O’Hagan fait évoluer de nombreux personnages, 59 référencés en début de livre, ce qui rend la lecture un peu laborieuse au début, mais captivante dès lors que l’on en a saisi le rythme. Politiciens, aristocrates, oligarques russes, hommes d’affaires, journalistes, artistes, rappeurs, trafiquants d’êtres humains, travailleurs clandestins, mafieux se croisent dans une comédie de mœurs cruelle, illustrant l’avidité de l’époque. L’argent, la vanité pilotent ce texte égratignant tout le monde, les puissants dont le puritanisme n’a d’égal que la corruption et la débauche ou les laissés pour compte cernés par les violences urbaines.
Internet peut être un moyen de redistribuer les rôles en donnant le pouvoir aux simples citoyens, sans privilèges, ni passe-droits, ni pistons. Campbell va servir de sésame à Milo, un hacker capable de pirater les comptes les plus protégés, afin d’assouvir une soif de vengeance que le professeur ne verra pas venir, trop préoccupé par une crise existentielle soudaine et le sentiment d’avoir trahi sa classe.
En cours d’adaptation audiovisuelle, ce roman fleuve est déjà conçu comme une série. De chapitre en chapitre, l’auteur prend son temps pour aborder chaque communauté, élaborer des liens entre elles, poser des pièges agissant comme un coup de pied dans une fourmilière de notables convaincus d’être intouchables. Andrew O’Hagan met en scène magistralement un conflit à la fois générationnel, social et technologique, qui englobe de nombreux sujets d’actualité, au travers desquels les notions de vérité et de morale sont sérieusement ballotées.
Béatrice Arvet
Article paru dans l'hebdo La Semaine du 23 octobre 2025
REPÈRES
Né à Glasgow en 1968, Andrew O’Hagan a publié 7 romans, a reçu plusieurs prix et a été 3 fois finaliste du Booker Price. Il écrit régulièrement pour la London Review of books et le New Yorker. « Californian road », best-seller en Angleterre, deviendra une série, adaptée par Will Smith et réalisée par Johan Renck. Il a publié en France « Les Éphémères ». (Métailié, 2024)




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